De Gaulle et Coudenhove-Kalergi sur l'Europe
La Fondation Charles de Gaulle a organisé un colloque intitulé « De Gaulle, Coudenove-Kalergi, les gaullistes et l'Europe ». Le colloque s'est tenu le 28 janvier 2016 au Palais Luxembourg au Sénat à Paris.
Le président du Comité français de l'Union paneuropéenne, le sénateur Jean Bizet, et le président de l'Union paneuropéenne internationale, Alain Terrenoire, ont participé au colloque par leurs interventions en tant qu'éminents historiens et témoins. L'ensemble du programme a été clôturé par le discours du président du Mouvement paneuropéen d'Autriche, l'archiduc Charles de Habsbourg.
De Gaulle, Coudenhove-Kalergi, les gaullistes et l'Europe
Témoin des événements historiques, le Président Alain Terrenoire a rappelé l'inspiration, le concept et la vision de l'Europe de Charles de Gaulle dans une revue historique.
Voici les grandes lignes du discours du Président Terrenoir tel que publié dans les Lettres Européennes de la Société Coudenhove-Kalergi.
Sur l’Europe, comme sur bien d’autres sujets, l’ancien Chef de la France Libre avait une vision ambitieuse mais réaliste. Cette vision, qu’il a fait connaître dès les années sombres de la deuxième guerre mondiale, convergeait avec celle de Coudenhove-Kalergi, le fondateur de l’Union Paneuropéenne, la plus ancienne des organisations non-gouvernementales pro-européennes.
En totale opposition aux affirmations contradictoires, tant des inconditionnels de l’Europe supranationale, que des adversaires de la construction européenne qui se présentent en souverainistes, de Gaulle, en mettant en application le Traité de Rome, voulait que sa « certaine idée de la France » s’inscrive dans la dimension d’une Europe européenne, d’abord confédérale, dont le principal pilier est une entente franco-allemande de plus en plus étroite.
Cinquante-quatre ans après le rejet du Plan Fouchet d’union politique proposé par de Gaulle, l’Europe n’a toujours pas réussi à se doter d’une véritable politique étrangère et de défense de ses frontières extérieures qui lui garantisse son indépendance et sa sécurité.
Encouragés de l’extérieur par les Etats-Unis et de l’intérieur par la Grande Bretagne, les élargissements successifs de l’Union Européenne ont été dans la plupart des cas précédés par l’adhésion à l’OTAN des anciens pays membres du Pacte de Varsovie.
Ces adhésions ont entraîné pour ces pays la diminution de leur budget militaire, au profit d’une géopolitique pro-américaine et d’une défense assurée principalement par l’OTAN, c’est à dire par les Etats-Unis. Mais comment ne pas se réjouir néanmoins que les pays de l’Europe centrale et orientale aient pu se libérer de l’oppression soviétique pour rejoindre l’Europe de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme.
L’adhésion de la Grande Bretagne à la Communauté Européenne, qui avait soulevé les réserves du Général de Gaulle, a eu comme double conséquence : d’une part de transformer, pour l’essentiel, le projet européen en une zone de libres échanges commerciaux et financiers, réglementée selon la culture libérale anglo saxonne et d’autre part de freiner la progression de ses partenaires vers l’harmonisation de leurs politiques économiques, financières, budgétaires, fiscales et sociales.
Il n’en reste pas moins que l’Union Européenne aura réussi un progrès historique en rassemblant pacifiquement plus de cinq cents millions d’européens dans une même communauté de projets où l’on circule librement. Les solidarités, comme les contraintes, imposées par les traités aux pays de la zone euro auront néanmoins contribué à rapprocher leurs politiques, tout en leur permettant de faire face aux turbulences financières, monétaires et sociales provoquées par la crise.
Cette crise a aussi entraîné un changement dans la gouvernance de l’Union Européenne. Principalement initiée et conduite par la Commission de Bruxelles depuis ses origines, la construction européenne a été transférée, dans la pratique, à la gouvernance des Etats membres, notamment dans la zone euro.
C’est constater que l’Europe, union des Etats-nations telle qu’elle était préconisée par le premier Président de la Cinquième République, est bien celle qui est la plus apte à faire face aux crises.
Cette constatation se confirme devant les défis internes et externes qui menacent l’Union Européenne, au sein de laquelle se manifestent des poussées nationalistes et xénophobes qui s’amplifient avec la fuite de réfugiés et de migrants vers les pays de l’ouest européen, situés au nord de la Méditerranée.
Totalement dépassée par ce phénomène qu’elle n’avait pas prévu et impuissante à le traiter devant les réactions souvent hostiles et contradictoires des Etats membres, la Commission se voit obligée en catastrophe de remettre en cause le système de Schengen, supposé contrôler les frontières extérieures de l’Union.
N’ayant pas élaboré une vision géopolitique commune et démunie de tout support militaire pour l’accompagner, l’Union Européenne se révèle incapable d’intervenir en tant que telle pour combattre, et même pour contenir, les conflits qui la menacent directement ou indirectement.
La France s’est donc retrouvée isolée en Afrique face aux conflits menés par l’Islamisme radical. Et sa contribution à la coalition pour réduire la guerre civile Syrienne et pour s’opposer à « l’Etat Islamique » n’a pas été suffisamment performante.
Après la disparition du système soviétique la Russie, naturellement associée par la géographie, par son histoire, par ses intérêts économiques et par sa culture à l’Europe, s’est à nouveau engagée dans des pays voisins, la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine, dans une reconquête de territoires qui remet en cause la coexistence pacifique et qui suscite les plus vives inquiétudes des pays de la zone baltique et de la communauté internationale.
Ces défis ont notamment pour conséquence, en fragilisant l’Europe tant sur les plans politiques, économiques et sociaux, de remettre en question l’adhésion des peuples, et en particulier des Français, au projet collectif européen.
C’est dire qu’au moment où l’affirmation d’une Europe solidaire, puissance libre, indépendante et souveraine dans les seuls domaines que les nations lui auront confiés serait le plus nécessaire, celle-ci apparaît pour le moins décevante et insuffisante.
Fort de ces convictions partagées, il appartiendra à un Président de la République voulant s’inspirer de la voie tracée par de Gaulle de redonner à la France la mission et la place qui lui reviennent pour une certaine idée de l’Europe."
Alain Terrenoire,
Président de l'Union Paneuropéenne Internationale
Programme (FR) (PDF)